De branche en branche – Partie 41

Questions aux spécialistes
Les magazines brésiliens ont publié plus de « questions aux spécialistes » que les magazines français. Toute proportion gardée et compte tenu du nombre de lecteurs et de la taille des revues, on peut dire que les magazines brésiliens utilisent plus souvent cet outil de communication avec leurs lecteurs que les magazines français.
Les questions (et les réponses) concernant l’alimentation et la nutrition ont été plus nombreuses dans les magazines français. En effet, elles représentent 18 % de l’ensemble des questions posées, contre 14 % seulement au Brésil.
Le nombre important de questions aux spécialistes publiées dans les magazines brésiliens s’explique par l’excellente réputation dont ces spécialistes jouissent dans ce pays. Ces professionnels de la santé ont auprès des populations un prestige que leurs homologues français ne semblent pas avoir.
En France, il semble que l’information en elle-même soit plus importante que la source dont elle émane. Nous le verrons lors de l’analyse qualitative des « questions aux spécialistes ».
Les spécialistes consultants des magazines étudiés en France et au Brésil sont généralement présentés avec leur photo et leurs qualifications professionnelles.
Au Brésil, dans les deux magazines étudiés, une page est consacrée à l’ensemble des consultants qui apparaissent ainsi comme les garants de la revue et dont la compétence est mise au service des lecteurs.
En France, les professionnels apparaissent à coté de leurs réponses sous la rubrique qui leur est destinée, une relation directe est ainsi faite laissant comprendre qu’ils sont là pour répondre aux questions et non pour cautionner toute la revue.
Dans les magazines brésiliens, des spécialistes de toutes disciplines relatives à la santé ou au bien-être de la famille sont présentés comme tout disposés, non seulement à répondre aux questions posées, mais à conseiller spontanément les lecteurs, donnant ainsi à la revue une image de sérieux et de fiabilité. Le lecteur, de son côté, se sentirait comme valorisé d’acheter et de lire un magazine où un si grand nombre d’experts sont à sa disposition.
Reste à savoir qui sont ces experts et s’ils sont les plus aptes à répondre aux questions posées. Un nutritionniste est-il toujours le mieux indiqué pour répondre à toutes les questions concernant la nutrition ? L’avis d’un seul professionnel suffit-il pour rendre compte d’un consensus scientifique (quand celui-ci existe !) ?
Faire état du nom et des qualifications des spécialistes consultés peut traduire le souci de transparence et d’honnêteté d’un éditeur conscient de sa responsabilité de vulgarisateur et d’éducateur. Il peut aussi, n’être qu’un procédé de marketing.
Ces questions seront discutées plus loin, lors de l’analyse qualitative des « Questions aux spécialistes » publiées dans les magazines de puériculture destinés au grand public en France et au Brésil.
Parmi les questions posées aux spécialistes sur l’alimentation ou la nutrition maternelle infantile et publiées dans les magazines brésiliens, en 2001, 16 portaient sur l’alimentation infantile, 12 sur l’allaitement maternel, 5 sur la croissance infantile, 3 sur la technique diététique, 2 sur les régimes, 1 sur la nutrition infantile, 1 sur la composition chimique des aliments, 1 sur l’état nutritionnel et 1 sur l’alimentation maternelle.
Concernant ces mêmes questions aux spécialistes publiées dans les magazines français, en 2001, 8 portaient sur l’allaitement maternel, 5 sur l’alimentation infantile, 2 sur le comportement alimentaire, 1 sur l’état nutritionnel, 1 sur la sécurité alimentaire et 2 sur la croissance infantile.
L’alimentation infantile, l’allaitement maternel et la croissance infantile ont donc été les sujets de préoccupation les plus fréquents dans le lectorat des revues. Ces sujets semblent intéresser et parfois inquiéter les jeunes parents ou futurs parents français comme brésiliens, toutes classes sociales, économiques et culturelles confondue.
Les sujets les plus souvent évoqués sont évidemment ceux sur lesquels les mamans se posent le plus de questions ; ceux aussi qui peuvent faire l’objet de débats et sur lesquels les avis scientifiques peuvent différer (diversification alimentaire, technique culinaire, accessoires d’alimentation) ; ceux pour lesquels les avis autorisés, les consensus scientifiques même peuvent être dominés ou remis en cause par des coutumes socioculturelles, des croyances et des traditions (diversification alimentaire, allaitement maternel) ; ceux sur lesquels il reste toujours des doutes (allaitement maternel) ; ceux enfin qui sont cause d’inquiétude (les maladies et la croissance).
Certains thèmes comme les régimes, la nutrition normale, les techniques diététiques, la composition chimique des aliments et l’alimentation maternelle ont été relativement plus fréquents dans les revues brésiliennes. Peut-être parce que les mères brésiliennes se soucient davantage de leur alimentation et cuisinent plus pour leurs enfants. Elles seraient donc plus avides d’informations sur la manière de gérer leur alimentation (spécialement en période de maladie), sur les bonnes techniques culinaires et même sur la composition chimique des aliments, et sur les besoins nutritionnels de l’enfant ?
Une autre explication peut être trouvée dans l’importance que le corps professionnel attache à ces sujets, suscitant ainsi la curiosité quasi générale ?
Ou bien il ne s’agirait que d’une simple coïncidence.
Le comportement alimentaire et la sécurité alimentaire ont été les thèmes exclusivement traités par les magazines français, parmi les « questions aux spécialistes » publiées pendant l’année 2001.
La sécurité alimentaire est un thème qui est devenu à la mode, particulièrement à la suite d’une série de contaminations d’aliments, en Europe, pouvant entraîner de graves conséquences, comme la maladie de Kreutzfeld-Jacob (vache folle), par exemple.
Avec l’apparition ou la menace d’épidémies de ce genre, par suite de contamination d’aliments, les gouvernements, les spécialistes et les médias parlent de plus en plus de sécurité en matière d’alimentation humaine, en proposant des mesures de précaution sur le plan mondial.
Il est normal que les médias les plus empressés à diffuser ce genre d’informations soient ceux des pays dans lesquels ces épidémies ont déclenché de grands débats politiques et économiques autour de la santé publique.
Pour ce qui est du comportement alimentaire, c’est-à-dire la manière dont réagit l’enfant face à son alimentation, cette question intéresserait davantage les parents français qui s’en soucieraient davantage que de la qualité ou quantité de cette alimentation. Là encore, l’influence du corps professionnel, qui s’intéresse particulièrement à ce sujet, pourrait être à l’origine de cette tendance.
La manière dont les informations sur l’alimentation et la nutrition sont abordées au travers des questions aux spécialistes, comment ces spécialistes sont présentés et comment ils traitent les thèmes en question, seront discutés lors de l’analyse qualitative de la présente étude.
Juliana T. Grazini dos Santos – Docteur en Information et communication, Nutritionniste, Créatrice de Verakis.
Ceci est le quarante-unième chapitre de la “saga” qui raconte “les fondations” de Verakis.
Lisez les chapitres antérieurs:
https://verakis.com/de-branche-en-branche-partie-40/
https://verakis.com/de-branche-en-branche-verakis-partie-39/
Source: Ma thèse de doctorat: “La science de la nutrition diffusée au grand public en France et au Brésil – Le cas de l’alimentation maternelle infantile. Thèse dirigée par Baudouin JURDANT
Imagem: Julia Ardaran